Cette édition électronique a été réalisée conjointement par Gemma
Paquet, bénévole, professeure à la retraite du Cégep de Chicoutimi
à partir de :
Mélanges d’histoire des
religions :
« Étude sommaire de la
représentation du temps dans la religion et la magie. »
Un
article originalement publié par Henri Hubert à l’École pratique des Hautes
Études, section des sciences religieuses. Paris, 1905, pp. 1 à 39.
Une édition électronique réalisée à partir du livre d’Henri Hubert
et Marcel Mauss, Mélanges d’histoire des religions.
De quelques résultats de la sociologie religieuse; Le sacrifice; L’origine des
pouvoirs magiques; La représentation du temps. (pages 189 à 229)
Collection : Travaux de l’Année sociologique. Paris : Librairie Félix
Alcan, 1929, 2e édition, 236 pages.
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Pour le texte: Times, 12 points.
Pour les citations : Times 10 points.
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textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh.
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LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)
Édition complétée le 30 août 2002 à Chicoutimi, Québec.
Des modifications que subit la représentation du temps sous l’influence
de la notion de sacré. – Limites de la recherche
I. Le
temps comme condition des actes et des représentations religieuses. – Les
rites. – Les mythes. – Comment les mythes deviennent histoire. – Représentation
du temps et durées concrètes. – La représentation générale du temps comme
milieu se rencontre dans la religion et dans la magie. – Ses éléments. – Les
calendriers. – Le rythme du temps et les durées religieuses.
II. Caractères de la
représentation religieuse du temps. – Dates
critiques.
2° Les
intervalles compris entre deux dates critiques associées, sont, chacun pour
soi, continus et insécables. Rites
d’entrée et de sorties. Coïncidence théoriques – durées concrètes avec des
durées concrètes avec les périodes.
3º Les
dates critiques sont équivalentes aux intervalles qu’elles limitent, auspices et pronostics.
4º Les
parties semblables sont équivalentes. – Reproduction des mêmes faits
à la même date. – La date de Pâques.
5º Des durées quantitativement inégales sont
égalisées et réciproquement. – Longueurs
théoriques données à des périodes
naturelles. – Anomalies de l’écoulement du temps dans les mythes et les contes.
III. Nature qualitative de la représentation
religieuse du temps. – Ce caractère explique les propositions énoncées. – Qualités
des parties du temps.
IV. La théorie de l’idée de temps: – Dans
la philosophie de M. Bergson. – Une explication philosophique générale
peut-elle rendre compte des faits spéciaux à la religion et à la magie ? –
Éléments fixes et conventionnels de leur tableau du temps.
V. La division calendaire du temps. –
Elle n’est pas purement et simplement dictée par l’expérience. – Des index du
temps : index naturels, index numériques. – Conventions dans le choix et l’emploi
des index naturels et spécialement des index astronomiques. – Les lunaisons. –
L’année solaire chaldéenne, etc. – Convention fondamentale dans le choix des
nombres qui servent d’index numériques. L’expérience intervient secondairement
à titre de vérification. De l’autorité sociale en matière de calendrier. – Convention
dans la détermination des dates de fêtes. – Le rythme du, temps. – Le rythme
dans la vie sociale et la pensée collective.
VI. Les qualités du temps. – Elles sont définies par des associations sympathiques.
– Ces associations sont dominées par la notion de mana ou de sacré. – Les
qualités du temps et de ses parties se ramènent en dernière analyse au mana ou au sacré. – Représentation religieuse du temps. – Les dates qualifiées sont des fêtes.
VIl. Association intime de la notion
religieuse du temps et de celle de sacré. –
Cette association explique les particularités que présente la première.
VIII. La notion abstraite du temps et ses
relations originelles avec la notion de sacré.
– La première est-elle 1’œuvre du même travail collectif que le monde? – Les
formes spéciales de la représentation du temps sont sociales. – Fonction et
origine religieuse du calendrier.
dans la religion et la magie
Le problème, qui fait l’objet de ce mémoire, a été posé
dans le tome V de l’Année sociologique [1]. Nous supposions que les
actes et les représentations de la religion, et l’on peut ajouter de la magie, comportaient des notions du temps et
de l’espace assez différentes de la notion normale. Étant donné, disions-nous,
que les rites et que les événements mythiques se passent dans l’espace et dans
le temps, il faut se demander comment on peut concilier à leur égard l’émiettement
théorique du temps et de l’espace avec l’infinité et l’immutabilité du sacré, où ils se passent également. Pour
simplifier notre vocabulaire, nous donnons au mot de sacré toute l’extension possible : nous entendons par là à la fois
le sacré religieux et le sacré magique, le sacré proprement dit et le mana, bien que nous en ayons déjà fait
ailleurs la distinction [2]. Nous avons admis jusqu’à présent par hypothèse, que le sacré, sans
acception d’espèces, s’il est susceptible d’une infinité de limitations, est
théoriquement indivisible et que, dès qu’il se réalise, il se réalise
intégralement [3]. C’est par là que nous avons expliqué la présence réelle dans le
sacrifice, ainsi que les vertus indéfinies des choses et des actes magiques.
M’étant proposé d’étudier cette année dans mon cours ce que l’on
sait des divisions primitives de l’année chez les anciennes nations
germaniques, j’ai essayé de grouper en manière de préface, les anomalies que
présente, en général, le décompte du temps dans la religion. Ces anomalies, qui
trahissent la contradiction des caractères respectifs du temps normal et du
sacré, sont de nature à mettre sur la piste de la notion du temps religieux. Je
supposerai acquis que cette notion religieuse de temps est celle qui a présidé
à l’élaboration des calendriers. Il n’est pas à démontrer en effet que ceux-ci
se sont formés dans les religions.
Ils comportent, en outre, dans la distinction et la
détermination des dates et des périodes, un réseau confus de particularités,
dont ni l’observation des durées concrètes, ni l’idée abstraite que nous avons
du temps, c’est-à-dire l’idée d’une grandeur continue, indéfiniment divisible
en parties successives, homogènes et impénétrables, ne saurait rendre compte
parfaitement. C’est la substance de ces leçons que je donne ici.
Il ne s’agit pas, dans ce mémoire, de psychologie, ni,
par conséquent, de décrire les jugements variables que les individus portent,
chacun pour soi, sur les durées, on d’expliquer l’incohérence de ces jugements.
Les représentations sur lesquelles porte mon étude ont quelque chose de
conceptuel et aussi de conventionnel ; elles appartiennent en commun à des
collectivités ; elles ont une sorte de
rigidité législative. - Je ne prétends pas davantage pousser l’analyse de l’idée
de temps jusqu’à la métaphysique. Je cherche à savoir simplement ce qu’elle a
été en fait et cela seulement dans certaines classes de jugements et de
raisonnements, qui, jusqu’à un certain point, relèvent de la religion et de la
magie.
Les faits sur lesquels sont fondées mes conclusions
sont de ceux dont le choix m’est imposé par le cadre même de mon cours. Pour ne
pas élargir les dimensions de ce mémoire, j’en ai réduit l’exposé autant que
possible. Les religions grecque et romaine, le christianisme m’ont fourni des
exemples et des points de comparaison. J’étais naturellement porté à me
préoccuper d’abord des faits qui se sont produits dans ces religions, en raison
des rapprochements historiques, qui ont eu lieu entre elles et celles des
Germains. Il y aurait lieu d’étendre ces recherches et particulièrement dans
les divers domaines de l’ethnographie.
Le temps comme condition des actes et des
représentations religieuses. – Les rites. – Les mythes – Comment les
mythes deviennent histoire. – Représentation du temps et durées concrètes. – La
représentation générale du temps comme milieu se rencontre dans la religion et
dans la magie. – Ses éléments. – Les calendriers. – Le rythme du temps et les
durées religieuses
Nous poserons en principe que le temps est une
condition nécessaire des actes et des représentations magiques et religieuses.
On a déjà, à diverses reprises, attiré l’attention sur ce fait que les rites s’accomplissent
dans des conditions de temps, constantes pour un même rite, qui contribuent à
définir leur milieu spécifique [4]. Les rites périodiques sont, par définition, associés à des dates
fixes du calendrier ou à la récurrence régulière de certains phénomènes. Les
rites occasionnels s’accomplissent également à des moments déterminés Beaucoup
donnent lieu à des prises d’horoscope, qui quelquefois sont compliquées au
delà du vraisemblable ; il arrive aussi que, à cet égard, les exigences se
réduisent à l’extrême ; mais le rite garde toujours le minimum de détermination
temporelle, que lui donne sa relation avec l’occasion qui le provoque. L’examen
d’un rituel quelconque suffira pour montrer que les rites varient en raison de
leurs circonstances de temps. sinon dans leur structure essentielle, du moins
dans leurs particularités accessoires, dans les préparations et l’attitude qu’ils
exigent.
Les événements des mythes, il est vrai, se passent,
semble-t-il, hors du temps ou, ce qui revient au même, dans l’étendue totale du
temps, puisque, comme le montre en particulier leur répétition dans les fêtes,
ils réussissent à être également contemporains de dates espacées dans le temps
normal. Cependant toutes les mythologies ont fait effort pour situer cette
éternité dans la série chronologique. On l’a placée, en général, au
commencement des temps, quelquefois à la fin. C’est pour cette raison que les
mythes, quels qu’ils soient, sont des mythes d’origine, ou des mythes
eschatologiques. Ils rendent compte de l’origine ou de la fin des choses, non
pas que telle soit essentiellement leur fonction de mythes, mais parce qu’ils
sont dans le temps. D’ailleurs, ils sont indifféremment fixés à l’une ou à l’autre
place et ne se différencient en cela que secondairement ; en effet, on a
remarqué très justement que les mythes de l’origine. et de la fin du inonde
comportaient des éléments communs [5]. Une suite de ce phénomène est que, partout, les mythes tendent à
se systématiser sous forme de traditions relatives à l’origine des sociétés qui
les produisent ; le corps des mythes constitue une préhistoire de l’humanité,
de la tribu ou de la nation; les dieux sont la souche des familles humaines. La
synthèse des divers courants de représentations religieuses se réalise sous
cette forme; non pas parce que les mythes en général sont issus de la
divinisation des ancêtres, mais parce qu’ils sont pensés sous l’espèce du
temps. C’est pour la même raison que les fêtes sont généralement données comme
la commémoration des mythes qui leur sont attachés. Elles reproduisent
indéfiniment un événement qui est censé s’être passé en un point du temps, à
une date fixée.
Mais, situer les mythes a l’origine des temps, « dans
la nuit des temps », n’est-ce pas une simple et grossière figuration de leur
éternité? On serait en droit de le penser, s’il ne se produisait un autre
phénomène, également fréquent, à savoir le rajeunissement des mythes. Nous en
avons des exemples dans les fêtes qui sont pourvues de plusieurs mythes, ou
dont l’institution est rattachée tour à tour à des causes et à des dates
diverses, échelonnées dans le temps. À Rome, les Poplifugia ont commémoré successivement la fuite du peuple à la
mort de Romulus, une autre fuite, des Romains dans une guerre contre les
Fidénates, puis, à partir de 42 av. J.-C., en
vertu d’un sénatus consulte, le jour de naissance, conventionnel
peut-être, de Jules César [6]. Dans l’Europe chrétienne, on a souvent rajeuni les saints patrons
des fêtes paroissiales ; un saint plus jeune se juxtapose, parfois se substitue
à un saint défraîchi. C’est ainsi que, par exemple, en Sicile, en Provence, le
culte de François de Paule [7] s’est étendu. À Lezoux (Puy-de-Dôme), le patron de la paroisse est
en train de céder la place à un Jésuite, son homonyme, martyrisé en Chine il y
a cinquante ans. Les combats rituels des fêtes populaires deviennent des
figurations dramatiques de combats historiques, souvenirs des invasions arabes
et normandes en Sicile, arabes et anglaises en France [8] Nombre de fêtes qui sont données comme des anniversaires de la
fondation des églises paroissiales, semblent être d’anciennes fêtes agraires à
fonctions complexes ; au lieu de commémorer un fait mythique, repoussé à l’origine
des temps, elles commémorent un fait historique. D’ailleurs, le mythe rajeuni
est toujours le point de départ de la célébration périodique du rite ;
car, ou bien le souvenir des périodes antérieures est aboli, ou bien l’on
imagine une consécration nouvelle et plus efficace de la date choisie. - En
dehors de l’histoire des fêtes, les exemples du même phénomène sont également
abondants. Dans le pays de Galles la figure à demi historique d’Arthur s’est
substituée à celle de quelque dieu endormi
dans les cavernes des montagnes [9] et, de même, Frédéric Barberousse a remplacé, dans un thème
semblable, des personnages mythiques [10].
Ainsi, les mythes se rajeunissent dans l’histoire. Ils
y puisent des éléments de réalité, qui consolident la croyance dont ils sont l’objet
en tant que mythes. Mais ce n’est pas parce que la vérité mythique se distingue
mal pour les croyants de la vérité historique que les mythes s’éphémérisent; c’est
parce qu’ils demandent à être situés dans le temps avec une précision qui doit
croître avec la précision croissante de la représentation des choses dans le
temps. Le rajeunissement des mythes n’est pas un phénomène différent du
phénomène général de leur localisation dans le passé, mais une forme
particulière du même phénomène.
Mais ce n’est pas tout. Les faits, magiques on
religieux, qu’ils soient, des rites ou des images, ne sont pas simplement
conçus comme se passant avant, après ou pendant d’autres faits. Ils sont situés
dans un temps-milieu, relativement abstrait et détaché des choses qui durent. À
vrai. dire, l’image de celles-ci se mêle encore à sa notion. Représentation
semi-concrète, elle conserve le souvenir des durées réelles. Le rythme du temps
idéal est peut-être indiqué à l’origine, par certaines de ces durées. Mais il
ne laisse pas de les dominer, il leur impose à toutes des limites, théoriques
ou pratiques. L’idée de ce temps-milieu entre comme un élément distinct dans
les spéculations de la magie et de la religion.
Le temps est d’ordinaire représenté comme un système de
dates et de durées successives, système qui se reproduit périodiquement et
dont les différentes grandeurs sont supposées égales par séries et symétriques
de période à période. La notation des points et des intervalles, compris dans
une période limitée et répétable, constitue le calendrier.
Le calendrier est-il, pour la religion et la magie, un
système de mesure du temps ? Les actes religieux ou magiques y sont-ils
répartis à la façon dont paraissent l’être, les actes de notre vie civile ? La
religion et la magie ont-elles trouvé dans un système élaboré à d’autres fins
des points de repère commodes pour l’accomplissement des actes qui doivent être
répétés ? Je ne le crois pas. En effet, il existe des systèmes calendaires, qui
ont été divisés spécialement pour régler la périodicité des actes religieux ou
magiques et sont, ou ont été employés, parallèlement aux calendriers usuels,
pour cette fin spéciale ; tel est le tonalamatl
de 260 jours qui, chez les Aztèques courait parallèle à l’année solaire ;
tel est encore le calendrier de semaines qui sert à établir chez nous la date
de Pâques, calendrier qui lui-même est devenu le modèle du calendrier civil en
Islande [11]. L’existence de ces systèmes atteste la nécessité d’un rythme
spécifique, qui préside à l’éparpillement dans le temps des actes religieux.
Pour la religion et la magie, le calendrier
n’a pas pour objet de mesurer, mais de rythmer le temps.
Ainsi, d’une part, les rites sont nécessairement
répartis dans un temps divisé par des points fixes, régulièrement espacés; d’autre
part les représentations religieuses, outre qu’elles assignent des limites aux
éternités divines et qu’elles laissent mourir les dieux, supposent également un
rythme au temps où s’écoulent les durées de toute espèce et les durées divines
en particulier. Les divers millénarismes, celui des judéo-chrétiens, celui des
zoroastriens, le système des kalpas hindous en sont la preuve. Nos contes de
fées, et spécialement ceux où il s’agit d’enlèvements, laissent à penser que
les esprits repassent périodiquement aux mêmes endroits ; c’est alors que se
dénouent les charmes qui d’abord s’y étaient noués. Les princesses des châteaux
engloutis peuvent être désensorcelées à une heure magique, qui sonne d’intervalle
en intervalle. En résumé, les éternités mythiques sont à périodes [12].
Ce n’est pas à dire qu’elles aient une mesure, et,
moins encore, une commune mesure avec le temps normal. Les comparaisons
révèlent une dissemblance profonde. Le calcul du temps présente, tout particulièrement
dans les contes, d’incroyables incohérences. Un conteur macédonien assure,
sans sourciller, qu’un héros, qui a mis trois ans pour descendre aux antipodes,
douze ans pour en remonter, sans y avoir fait un séjour d’une longueur
appréciable, est resté trente ans hors de son pays [13]. La contradiction ne le choque pas, car c’est un conte de fées, [mots
en grec dans le texte].
C’est à l’aide de semblables contradictions que se
concilie l’antinomie du temps divisible et du sacré indivis qui s’égrène dans
le temps. Mais, pourrait-on penser, ces synthèses se font peut-être en trichant
simplement avec la rigueur quantitative de la notion commune de temps. Nous ne
le croyons pas, mais nous supposons au contraire qu’elles dénotent l’existence
d’une autre notion, dont les caractères, constants et définissables, sont à peu
près ceux que nous allons décrire.
Caractères de la représentation religieuse
du temps. – Dates critiques
Considérant tour à tour les éléments différenciés de la
représentation du temps, dates critiques et intervalles, nous allons établir un
certain nombre de propositions, relatives à leurs propriétés intrinsèques on à
leurs rapports réciproques, qui nous serviront à caractériser l’ensemble de la
notion. Nous ne donnerons pas ces propositions comme absolues, et ce serait
peine perdue que de chercher des exceptions qui les infirment. Nous ne
prétendons pas que la notion de temps, en religion et en magie, diffère
toujours de la notion commune ; il nous suffit qu’elle en diffère fréquemment
et que les différences en question soient régulières. Leur examen montrera que,
pour la magie et la religion : les
parties successives du temps ne sont pas homogènes, que les parties qui
nous paraissent égales en grandeur ne sont pas nécessairement égales, ni même
équivalentes ; sont homogènes et
équivalentes les parties considérées comme semblables en raison de leur
place dans le calendrier. D’où il suit que la notion du temps n’est pas ici celle
d’une quantité pure, mais qu’elle est plus complexe que la notion qui lui
correspond dans le cours ordinaire de notre vie mentale. Il n’est pas possible
de l’étudier in abstracto. Les propriétés des parties du temps se déduisent de leurs
relations avec les durées concrètes qu’elles encadrent.
Ajoutons, pour plus de clarté, qu’il ne s’agit pas
uniquement, dans cette étude, des divisions du calendrier. Par dates critiques,
nous n’entendons pas seulement les termes extrêmes des sections calendaires,
mais tout moment qui se trouve l’objet d’une considération spéciale. Le cycle
des termes calendaires n’est que l’un des systèmes particuliers de dates
critiques et d’intervalles, qui tournent dans le temps.
1° Les dates critiques
interrompent la continuité du temps. – C’est ce qu’on peut prouver en montrant qu’elles brisent les
durées particulières. Une société, qui divise le temps en périodes, dont la
longueur est exprimée par un nombre, sept ou neuf par exemple, de jours, de
mois, d’années [14], impose les mêmes coupures rythmiques à des durées, qui n’ont pas d’autre
raison d’être ainsi limitées et coupées que la loi ci-dessus énoncée.
Si les durées en question ne se terminaient pas
effectivement à la date critique, leur interruption réelle était quelquefois
formellement exprimée par des rites. A Sparte, les rois étaient, de neuf ans en
neuf ans, soumis à une ordalie : les éphores s’assemblaient par une nuit de
nouvelle lune, considérant le ciel ; si une étoile filante le traversait, le
roi, suspect de faute religieuse, était provisoirement déposé, jusqu’à ce que l’oracle
de Delphes se fût prononcé sur son cas [15]. Ce rythme novénaire, auquel était assujetti de la sorte le pouvoir
des rois de Sparte, parait avoir été généralement usité dans la sphère d’extension
de la civilisation crétoise. Or, la tradition veut que Minos également ait été
astreint à se rendre tous les neuf ans à la grotte de l’Ida, pour y renouveler
sa délégation royale [16].
Ce n’est qu’un exemple entre l’infinité des exemples
possibles, car le phénomène est général. A l’expiration des magistratures en
fin d’année, il faut joindre l’extinction annuelle ou cyclique des feux, le
renouvellement de la vaisselle ou des vêtements, la consommation complète ou la
destruction des provisions et passer de là à la série des représentations. L’exemple
choisi l’a été à dessein, parce que, dans ce cas, la date critique n’est pas
une fête, au sens spécial du mot, qui pourrait avoir, comme telle, des conséquences
de ce genre, mais simplement le terme d’une période, dont l’observation ne paraît
même pas être déterminée par le système chronologique dominant. Il montre que
les dates critiques du temps-milieu brisent les durées concrètes, qui, par
elles-mêmes en sont indépendantes, avec une sorte de nécessité ; à plus forte
raison brisent-elles la durée abstraite, dont elles font partie. Elles sont
réellement critiques et dangereuses : pour les médecins antiques, les maladies
et la vie humaine en général se nouaient, se dénouaient et se renouaient à des
intervalles périodiques de sept jours, de sept mois, de sept années [17]. Bref, le temps où se passent les choses magiques et religieuses
est discontinu ; il y a des à-coups dans sa marche.
Ce n’est pas tout. On voit déjà que les parties qu’on y
distingue ne sont pas homogènes. En effet, le moment qui constitue la date
critique diffère par là même d’un moment quelconque des durées qui précèdent ou
qui suivent, et, d’autre part, les durées séparées, par les dates critiques
diffèrent entre elles, puisque des actes ou des événements cessent ou
commencent par le seul fait de leur apparition.
2° Les intervalles compris entre deux dates
critiques associées sont, chacun pour
soi, continus et insécables.
– Un premier indice de leur
continuité est fourni par des rites d’entrée et de sortie dont ils ont souvent
été l’objet. Ces rites, comparables à ceux qui marquent le commencement et la
fin des cérémonies religieuses, leur donnent l’apparence d’un tout continu dont
toutes les parties sont solidaires comme celles d’un sacrifice. L’année romaine
s’ouvrait aux calendes de mars par une série d’auspications ; elle se
terminait en janvier et en février par une série de jours néfastes et de
cérémonies expiatoires [18]. La forme la plus remarquable et la plus significative de ces rites
est réalisée dans les cas, dont notre folklore européen présente un grand
nombre, où l’année, la saison qui commence et celle qui finit sont personnifiées,
pour être dramatiquement introduites ou expulsées [19] ; ici, l’individualité des parties du temps va jusqu’à la
personnalité. L’extinction et l’allumage des feux au passage d’une période à l’autre,
dont il a été déjà fait mention, sont également des rites d’entrée et de sortie
comparables aux précédents. Ces rites, d’ailleurs, valent ou peuvent valoir à
la fois pour les durées elles-mêmes et pour les choses qui s’y passent :
on éteint un feu que l’usage a profané, on expulse les fautes commises dans l’année,
on inaugure les travaux des saisons. Il serait trop long de démontrer que cette
confusion ne doit pas nous inquiéter pour le moment. Durées abstraites et
durées concrètes s’identifient en effet.
Au surplus, des associations idéales sont établies
entre les diverses sortes de périodes et de choses qui durent, associations où
la période-forme est l’unité de temps de la durée-matière. Cette remarque nous
sert de point d’appui pour faire un pas de plus.
Non seulement on s’efforce d’égaliser la durée des
faits et des choses à celle des périodes du temps, d’inaugurer les actes au
commencement de celles-ci [20], mais encore on évite, ou l’on interdit d’entamer certaines
entreprises graves, une guerre par exemple, au cours d’une période. Il y en a
des exemples fameux. C’est Arioviste, qui ajourne les hostilités actives jusqu’à
la nouvelle lune [21] ; ce sont les Spartiates, qui attendent la pleine lune pour
entrer en campagne [22] et les Athéniens le septième jour du mois [23].
Ces
interdictions attestent la préoccupation de donner au temps, où se passent les rites, le
caractère spasmodique, qui doit résulter de la succession des points d’arrêt
décrits plus haut et de leurs intervalles insécables. Les hommes, dans la
crainte de troubler l’ordre des choses par une initiative malencontreuse, s’imposent
des règles pour préserver, autant qu’il dépend d’eux, ce même ordre nécessaire,
que leurs croyances leur montrent parfaitement réalisé, dans le monde. C’est,
en effet, une idée généralement constatée, qui domine et trouble l’expérience
et dont nos ancêtres ont fait une véritable loi scientifique, qu’un certain
nombre de phénomènes, s’ils commencent au début d’une certaine période,
durent toute la période et qu’ils attendent le début d’une période pour
commencer. Les on-dit météorologiques sont un type assez bon de ces traditions
pseudo-scientifiques [24].
Ainsi, si l’on admet qu’une association formelle s’établit entre la
durée de certaines choses concrètes et certaines périodes du temps abstrait,
considérées comme leur mesure, comme leur unité de temps, on constate que ces
périodes sont remplies totalement par les durées en question ou les excluent
absolument. La longueur des durées concrètes est entièrement assimilée à celle
des périodes correspondantes. On peut toujours, pour l’expliquer, recourir à l’hypothèse
d’une nécessité magico-religieuse déterminant arbitrairement la longueur des
durées. Mais nous expliquons cette nécessité même, si nous supposons, comme
nous l’énoncions, que les diverses unités de temps sont conçues comme
insécables : car, dans ce cas, la période-forme coïncidera intégralement avec
celle de la durée-matière dont elle est la mesure rythmique ; ce sont, en
effet, deux grandeurs, qui ne pourront pas être divisées, l’une par rapport à l’autre,
en grandeurs plus petites. En imposant de n’entreprendre certains actes qu’au
commencement de périodes correspondantes, le rituel essaye simplement de conformer
l’activité des hommes aux habitudes de leur pensée. Il va de soi que les
périodes ne peuvent être représentées comme insécables que prises à part et
chacune pour soi, ou seulement dans leur rapport avec les événements qui sont
censés de nature à le remplir tout entières. Chaque intervalle de dates
critiques est, en effet, divisé par d’autres dates critiques en intervalles
plus petits. À ce point de vue, les durées sont comparables aux nombres, qui
sont considérés tour à tour comme l’énumération d’unités inférieures ou comme
des sommes capables de servir d’unités pour la composition de nombres
supérieurs. La continuité leur est donnée par l’opération mentale qui fait la
synthèse de leurs éléments. Nous admettons qu’une pareille synthèse mentale
embrasse d’un seul coup la longueur des périodes-formes et des durées-matières.
Cette réserve faite, nous conclurons d’abord : que les
parties du temps sont conçues comme n’étant pas indéfiniment divisibles en
parties successives ; et ensuite, que
chaque subdivision est constante par rapport à elle-même et hétérogène par
rapport aux subdivisions de la même série qui la précèdent et qui la suivent.
3º Les dates critiques
sont équivalentes aux intervalles qu’elles limitent. – On déduira de la proposition précédente que, lorsqu’un phénomène ou
un acte qualifié se produit à un moment quelconque de la période qui lui est
conventionnellement assignée, il est censé la remplir de ses qualités, la
contaminer tout entière. Les interdictions, citées plus haut, d’entamer une
série d’actes graves, comme la guerre, en période commencée, laissent à penser
que cette conclusion a été tirée en effet : on a pu craindre, en vertu de cette
contamination fatale, le heurt d’actes contradictoires dans un même temps, non
moins vivement que la rupture de sa continuité.
Ce qui est probable pour un moment quelconque d’une
durée, ne peut l’être moins pour les moments caractéristiques de cette durée.
La présomption est d’autant plus forte à cet égard, que les points critiques,
qui définissent ladite durée, constituent des éléments essentiels de sa
représentation. En fait, on accomplit, au commencement d’une période, des
rites, rites prophylactiques [25], vœux [26], bénédictions [27], rites sympathiques qui valent pour toute la période [28]. Dans un autre ordre d’idées. les phénomènes qui se passent à cette
heure décisive donnent des pronostics pour la durée qu’elle inaugure [29]. Le début engage la suite ; ce qui doit se produire dans toute l’étendue
de cette durée est réalisé à son ouverture, tout au moins en représentation et
réciproquement. La croyance à la persistance pour un temps défini des effets
produits en un moment donné est le principe du déplacement des rites et de la
concentration, sur des dates choisies, de ceux qui pourraient être indéfiniment
répétés. Cette croyance tient donc une place importante dans les
représentations de la magie et de la religion. Il leur est indifférent, en
somme, que le rite soit accompli au début d’une durée ou dans toute sa
longueur. La date critique et la période qui la suit sont assimilées. En d’autres
termes, elles sont homogènes et susceptibles d’être tenues pour équivalentes,
abstraction faite de leurs dimensions.
La raison de cette assimilation est celle que nous
donnions plus haut. Entre le fait en question et la période à laquelle il est
mentalement associé, il n’y a pas de mesure possible ; il n’y en pas davantage
entre l’instant où il se passe et la période dont cet instant fait partie; ce
ne sont ni des grandeurs comparables, ni des éléments antithétiques ; moment
et durée, fait et durée sont identifiés dans une même opération mentale, qui
est absolument synthétique. Une preuve de cette assimilation parfaite des dates
critiques et de leurs intervalles est fournie par les noms mêmes du temps qui
désignaient originairement et proprement des dates critiques [30]. Intervalles et instants rentrent les uns dans les autres.
Une objection reste à écarter, c’est que les effets et
les phénomènes en question, étant conçus comme durables, se prolongent
nécessairement au delà du moment où ils ont commencé. Qu’à cela ne tienne ! L’essentiel
est qu’ils ne durent que le temps d’une période définie, dont tous les moments,
conformément à notre deuxième proposition, constituent un tout indistinct et qu’ils
s’arrêtent précisément à l’une de ces dates critiques qui, conformément à
notre première proposition, interrompent cette continuité.
Nous, enregistrons donc un nouveau résultat : non
seulement les durées ne sont pas conçues comme indéfiniment divisibles en
parties distinctes et homogènes, mais ces parties ne sont pas impénétrables les
unes aux autres.
4º Les parties
semblables sont équivalentes. – Peuvent être définies comme semblables entre
elles les parties symétriques du temps, à savoir celles qui occupent la même
position dans le calendrier, et, d’autre part, les durées de grandeurs
différentes qui sont prises tour à tour comme unités de temps : la semaine, le
mois, la saison, l’année, le cycle d’années sont donnés, dans certains cas,
comme semblables entre eux.
Les dates critiques et les intervalles qu’elles limitent, dont nous
venons de démontrer l’homogénéité et l’équivalence, occupant la même position
relative dans le calendrier, sont semblables ; c’est un premier point. Pour le
reste, l’équivalence des parties semblables est démontrée par le fait que la
similitude chronologique entraîne ou permet la répétition des mêmes événements ;
les mêmes représentations s’y attachent, de telle sorte qu’elles paraissent l’exacte
reproduction les unes des autres : elles tendent vers l’identité. Dans les
légendes de châteaux, villes, monastères, églises engloutis, la malédiction n’est
jamais définitive, elle se renouvelle périodiquement ; tous les ans, tous les
sept ans, tous les neuf ans, à la date même de la catastrophe, la ville
ressuscite, les cloches tintent, la châtelaine sort de sa retraite, les trésors
s’ouvrent, les gardiens s’endorment : mais à l’heure dite le charme se referme
et tout s’éteint. Ces rechutes périodiques suffisent presque à montrer que les
mêmes dates ramènent les mêmes faits. Toute l’astrologie, une partie de la
science antique ou populaire sont fondées sur ce principe. Inversement, les
mêmes actes religieux ou magiques s’accomplissent dans les mêmes circonstances
de temps, à savoir en des points symétriques d’un système, quel qu’il soit, de
division du temps, calendrier commun ou calendrier spécial, astronomique ou
autre, C’est ce que prouve suffisamment le soin qui est apporté, dans les
rituels complets, à indiquer pour chaque rite ses conditions temporelles. Les
mêmes fêtes enfin se célèbrent aux mêmes dates.
Mais il y a des degrés de similitude, et l’exactitude de la
ressemblance croît avec l’importance des rites. L’intensité de l’attention,
dont elle est l’objet dans certains cas, montre bien quel prix on y attache et
quelle efficacité religieuse on lui suppose. Ainsi, la détermination de la date
de Pâques a été l’une des préoccupations centrales du christianisme naissant.
La Pâque chrétienne, qui perpétuait, d’une part, la Pâque juive et le sacrifice
pascal, de l’autre, le sacrifice du Calvaire et la résurrection du Christ,
devait être célébrée exactement au même point du temps que les faits qu’elle
reproduisait, c’est-à-dire en un point exactement symétrique à celui où ils s’étaient
d’abord produits. Problème délicat! puisqu’il fallait trouver ces points
symétriques dans deux calendriers différents et dont le désaccord variable ne
pouvait être calculé rigoureusement. Au choix d’une solution approximative on
apporta des scrupules infinis [31].
Le dimanche hebdomadaire commémore, c’est-à-dire renouvelle avec
moins de solennité, mais autant d’efficacité que la fête annuelle de Pâques, le
sacrifice du Christ. Ce que le dimanche est à Pâques, la semaine l’est à l’année
et, dans la mesure où l’année représente le cours entier du temps, la semaine
le représente [32]. Dans l’Inde, les douze premiers jours du mois équivalaient aux
douze mois qui suivent ; en effet, un sacrifice continu, se développant au long
de ces douze jours, était l’équivalent d’un semblable sacrifice qui aurait duré
l’année tout entière; il valait pour cette même année [33].
Lorsque toutes
les équivalences possibles sont entrées en jeu, le temps finit par être
représenté comme une suite de points équivalents, équivalant eux-mêmes aux intervalles
qui les séparent, lesquels s’équivalent entre eux, et comme une suite de
parties d’inégales grandeurs, emboîtées les unes dans les autres, qui s’équivalent
de la même façon, chaque point et chaque période valant respectivement pour le
tout. De telle sorte que les actes religieux et magiques peuvent cesser sans
être finis, se répéter sans changer, se multiplier dans le temps tout en
restant uniques et au-dessus du temps, qui n’est plus, en réalité, qu’une suite
d’éternités.
5º Des durées
quantitativement inégales sont égalisées et des durées égales inégalisées. – L’expression
de durées indéterminées par des nombres précis, 7, 9, 50, etc., est un fait
constant et bien connu, dont il est inutile de donner des exemples. Les nombres
conventionnels, employés de cette façon, correspondent à la longueur exacte de
périodes déterminées par certains systèmes usités ou désuets de division du
temps [34] : les semaines de sept et de neuf jours, coupures du mois ou
de la lunaison, ont été le type de périodes de sept et de neuf jours, de sept
et de neuf ans, dont la longueur est évidemment conventionnelle, Grandeurs
fixes et grandeurs vagues sont représentées comme égales. D’autre part, c’est
un lieu commun de mythologie et de folklore, – fait qui a sa contrepartie dans
notre expérience individuelle –, que les durées, suivant les circonstances, ne
s’écoulent pas avec la même rapidité. Celle-ci change au passage du surnaturel
à la vie normale des hommes » [35]. Un berger qui s’endort pour une heure se réveille au bout de cent
ans ; au retour d’une visite chez les fées, il ne retrouve plus au village que
des générations nouvelles. Inversement, les héros peuvent vivre des années de
vie magique en une heure de vie humaine. Le temps ne compte pas plus que l’espace
dans leur course à travers le monde. Les parties numériquement correspondantes
des kalpas hindous ne sont pas conçues comme étant de même grandeur [36].
Nature qualitative de la représentation
religieuse du temps. – Ce caractère explique les propositions
énoncées. – Qualités des parties du temps
Il résulte de ces faits non pas que le temps, pour la
magie et la religion, ne soit pas une quantité, ou susceptible d’être considéré
comme telle, mais que ce n’est pas une quantité pure, homogène dans toutes ses
parties, toujours comparable à elle-même et exactement mesurable. Dans les
jugements qui portent sur le temps, il entre autre chose que des considérations
de plus, de moins et d’autant ; il entre des considérations d’aptitude, d’opportunité,
de continuité, de constance, de similitude et les équivalences, dont nous avons
parlé, n’étaient pas des égalités. Les unités de temps ne sont pas des unités
de mesure mais les unités d’un rythme, où l’alternance des diversités ramène
périodiquement au semblable.
Les subdivisions du temps ne sont pas des grandeurs
définies uniquement par leur dimension et leur position relative. Il entre dans
leur notion d’autres éléments qui expliquent leurs anomalies quantitatives, à
savoir la notion de qualités actives, dont la présence les rend, les unes par
rapport aux autres, homogènes ou
hétérogènes. Si dans la représentation de chacune des sections du temps
entre celle d’une certaine qualité, celle-ci sera naturellement conçue comme
également distribuée dans toutes ses parties ; chaque période, si l’on ne
considère en elle que cette qualité, sera donc nécessairement homogène par
rapport à elle-même. L’homogénéité du temps cessera à la fin de chaque période,
la suivante apportant avec elle de nouvelles qualités différencielles. Les
parties semblables seront équivalentes et homogènes ou plutôt identiques, parce
qu’elles auront la même qualité. Enfin, la valeur relative des durées ne
dépendra pas seulement de leur grandeur absolue, mais aussi de la nature et de
l’intensité de leurs qualités.
Bref, les propositions ci-dessus énumérées cessent d’être
contradictoires, dès qu’on cesse de considérer le temps comme un milieu sans qualités.
Aussi bien, n’est-ce pas un pur concept, une sorte de lien géométrique,
distingué par abstraction de la masse des durées particulières, mais une sorte
de chose, dont la forme a son efficacité comme celle d’un acte magique,
existant objectivement, distincte des phénomènes successifs et durables, puisqu’elle
les coupe à sa mesure, et dont les divisions ne sont pas simplement idéales,
mais réelles et effectives, puisqu’elles interrompent brutalement la matière
qu’elles encadrent.
À vrai dire, les qualités dont nous avons parlé sont celles des
parties du temps. Il y a lieu de se demander si la notion du temps en général
ne comporte pas, elle aussi, de qualités analogues et même si les
particularités qui distinguent les parties sont autre chose que les diverses
modalités d’une qualité commune du temps. Toutefois il est malaisé d’apercevoir
au premier abord quelles peuvent être les qualités de ce temps religieux et
magique. Peut-être, n’a-t-il pris dans son ensemble, qu’une aptitude à recevoir
des qualités. Mais il nous suffit, pour le moment, de mettre en lumière la
nature qualitative attribuée au temps en général par la constatation des
qualités reconnues à ses parties. Celles-ci sont bien apparentes et se font
valoir l’une l’autre par leurs contrastes. Les parties du temps ne sont pas
indifférentes aux choses qui peuvent s’y passer ; elles les attirent ou elles
les excluent. De là, d’une part, une inépuisable série de pronostics fondés sur
la seule distinction des dates, de l’autre une série de prescriptions positives
ou négatives relatives aux jours [37]. Les plus typiques sont les prescriptions négatives, autrement dit
les tabous du temps. Ce qui vient d’être dit des jours vaut pour les périodes.
Les mois par exemple ont, l’un par rapport à l’autre, une teneur qualitative
constante, qui leur donne une véritable individualité [38]. À la rigueur, leur place dans l’année solaire, la diversité des
opérations, agricoles ou autres, qui, par la force des choses, s’y
accomplissent, peut passer pour le principe de leur différenciation. Mais,
cette défalcation faite, il subsiste un résidu de prescriptions différencielles,
telle, entre autres, l’interdiction du mariage au mois de mai, où se révèlent
donc provisoirement que les parties du temps et le temps en général sont conçus
comme doués ou susceptibles de qualités.
La théorie de l’idée de temps. – Dans la philosophie dé M. Bergson. – Une
explication philosophique générale peut-elle rendre compte des faits spéciaux
à la religion et à la magie ? – Éléments fixes et conventionnels de leur
tableau du temps
Notre investigation se rapproche ici d’analyses philosophiques, dont
la représentation de la durée dans la conscience individuelle a récemment été l’objet.
Dans ses Données immédiates de la
conscience, M. Bergson est arrivé à conclure que la notion de temps n’est
pas uniquement celle d’une quantité, mais qu’elle est qualitative. Dans les
subtiles arabesques de Matière et
mémoire, il substitue, comme élément générateur de la représentation du
temps, aux notions de grandeur, de position, de succession celle de la tension
active par laquelle, d’une part, se réalise dans la conscience l’harmonie des
durées indépendantes de rythmes différents et, de l’autre, se distribuent et
circulent les images entre les différents plans de cette même conscience.
Ainsi s’achève dans son système, le transport de l’idée de temps du domaine de
la quantité pure à celui de la qualité.
Nous nous rapprocherons davantage encore de cette
théorie du temps considéré comme échelle des tensions de la conscience, si nous
essayons de nous rendre compte, avec un peu plus de précision, de ce que sont
les qualités qui, pour la magie et pour la religion, entrent dans la
composition de la notion du temps. Pour aborder cette étude par son côté le
plus accessible, ne considérons provisoirement que les qualités différencielles
des parties du temps. Moments ou durées, leurs qualités ne sont définies que
par les faits avec lesquels ils sont nécessairement et constamment en relation
positive ou négative. Il y a, d’un côté, des phénomènes naturels, astronomiques
ou autres, choisis comme jalons du temps, ou des nombres, qui expriment la
longueur théorique des périodes [39] ; de l’autre, il y a des représentations, que la récurrence
des premiers termes entraîne ou repousse nécessairement, et des actes, qu’on
accomplit ou qu’on évite pour réaliser, autant qu’il est en soi, les
associations crues nécessaires. Les éléments ainsi associés sont intimement unis,
l’un entraîne l’autre, et tant que dure le premier, dure le second [40]. Ce système de relations est, à proprement parler, un système de
signatures. Les dates sont, en tant que telles, le signe et la signature des
choses qui s’y passent [41], au même titre que telle conjonction de planète est la signature de
tel événement on de tel rite. Ainsi, qualités différencielles du temps et
signatures temporelles sont des expressions équivalentes. En cherchant à concevoir ce que peuvent être les
éléments qualitatifs de la représentation du temps en magie et en religion, on
ne rencontre donc au premier abord que des images associées et dont l’association
est retenue en vue d’actes possibles.
Ce premier résultat concorde avec l’analyse de M.
Bergson, qui aboutit à concevoir un temps dont la représentation se compose d’images
d’inégale tension, placées en série par degré de tension et dont la tension est
réglée par l’action et ses nécessités. Mais l’examen superficiel d’un seul
ordre de données peut-il nous assurer qu’il n’entre dans la représentation du
temps, au moment de son développement où nous essayons de la saisir, que de
semblables agglomérations d’images particulières et la tension variable dont
ces images sont susceptibles ? S’il en est ainsi, nous laisserons volontiers le
dernier mot aux philosophes, et nous leur demanderons l’explication des faits
qui nous ont arrêtés. Peuvent-ils nous la donner ?
Il est naturel, somme toute, que les philosophes
réduisent à des termes fort simples les éléments primordiaux de la notion de
temps. Leur objet n’est-il pas de briser la lourde carcasse de nos opérations
mentales, pour en dégager ce qu’elle recouvre de réel ? Cette vie profonde de l’esprit
humain est décelée par les inconséquences, auxquelles arrive le jeu logique des
notions superficielles. Dans le cas présent, le jeu de notions, qui déguise la
réalité psychologique des images successives, consiste dans l’ajustement de
deux séries de représentations. L’une est constante et périodique : c’est le
calendrier et la chronologie avec leurs points de repère et toutes les
particularités qu’ils enregistrent. L’autre se construit perpétuellement par l’apport
de représentations nouvelles. L’esprit travaille constamment à associer dans
une même tension certains éléments de ces deux séries. Le tout est dominé par
des notions générales de durée, de période, de date, qui sont douées d’une
certaine objectivité et qui entrent, avec cette objectivité, comme éléments
essentiels dans les opérations mentales en question.
Ce schématisme artificiel est précisément un objet d’étude
qui nous intéresse, en tant que sociologues, par ce qu’il comporte de fixe, de
résistant, de conceptuel, d’appris ; et, en nous limitant d’ailleurs au domaine
de la religion et de la magie, le problème qui nous inquiète est de savoir si l’on
peut en expliquer la formation et le fonctionnement, sans supposer autre chose
que des images enregistrées et la tension variable des consciences
individuelles qui les embrassent. Ne faut-il pas recourir encore à un autre
principe, qui n’est pas intégralement donné dans la conscience de l’individu,
mais qui se développe et agit au cours de la vie collective. Pour nous
dispenser de cette dernière hypothèse, il faudrait pouvoir démontrer que le
calendrier n’enregistre que des expériences d’individus et que la tension des
images en vue de la pratique rend compte de l’accord constamment établi entre
les deux séries psychologiques considérées. Voyons donc si, en réalité, la
constitution de la série fixe des images classées dans le temps ne suppose que
des expériences individuelles.
La division calendaire du temps. – Elle n’est pas purement et simplement dictée par l’expérience.
– Des index du temps : index naturels, index numériques. – Conventions dans le
choix et l’emploi des index naturels et spécialement des index astronomiques. –
Les lunaisons. – L’année solaire chaldéenne, etc. – Convention fondamentale
dans le choix des nombres qui servent d’index numériques. L’expérience
intervient secondairement à titre de vérification. De l’autorité sociale en
matière de calendrier. –Convention dans la détermination des dates de fêtes. –
Le rythme du temps. – Le rythme dans la vie sociale et la pensée collective
Le préjugé commun veut que la division du temps soit
fournie à l’expérience par certains phénomènes astronomiques, faciles à
observer. En fait, il y a deux façons de déterminer les divisions du temps, qui
sont concurremment usitées. D’une part, on fait coïncider les termes
calendaires soit avec des phénomènes qui indiquent approximativement le
changement réel des saisons, apparition de la première violette [42], du premier hanneton, de la première hirondelle [43], des cigognes, chant du coucou [44], etc., soit avec les moments critiques du cours de certains astres,
lune, soleil, Sirius, Vénus, etc. ; dans ces divers cas, il est incontestable
que les signes choisis comme index du temps sont objets d’expérience. D’autre
part, on marque les points de division en comptant progressivement de l’un à l’autre
un nombre fixe d’unités de temps. Notre système de division hebdomadaire est un
type parfait de division courante en périodes numériquement égales. Dans ce
cas, l’index du temps parait être au premier abord, entièrement conventionnel.
Toutefois, on prétend que les nombres générateurs de périodes calendaires sont
suggérés par la connaissance expérimentale de la longueur réelle de certaines
périodes astronomiques [45]. D’ailleurs, les deux procédés se combinent et, dans un système
complet de divisions du temps, on trouve toujours des index numériques associés
aux index phénoménaux.
Mais l’emploi même de ceux-ci ne va pas sans
conventions. Le choix du signe est déjà l’objet d’une première espèce de
convention. Celle-ci paraît réduite au minimum, quand on se règle sur le cours
du soleil et de la lune. Elle est au contraire prépondérante, quand il s’agit
de choisir entre les multiples phénomènes de la vie végétale ou animale, qui
marquent les limites flottantes des saisons. Une convention préliminaire fixe
le choix sur l’hirondelle, le coucou, la cigogne ou la violette. D’autres ont
pour but de rendre valable pour tous le signe observé par un petit nombre. Il y
a eu des règles pour l’observation des signes en question et d’autres à l’effet
de consacrer, légitimer et autoriser l’observation faite.
L’emploi des index astronomiques laisse également une large place à
l’arbitraire. En ce qui concerne la longueur de la lunaison, une première cause
d’incertitude vient de ce qu’elle ne commence pas toujours à la même heure du
jour ; une autre, de ce que la révolution sidérale et la révolution synodique
de la lune diffèrent à peu près de deux jours [46]. Cette différence a réellement préoccupé et troublé les peuples,
qui ont pris le mois lunaire comme base de leur calendrier ; beaucoup se sont
efforcés de choisir entre les données discordantes de leur expérience, ou de
les concilier en attribuant à la lunaison une longueur moyenne.
Les termes de la révolution solaire sont plus difficiles encore à
fixer que ceux de la révolution lunaire. Ils ne peuvent être déterminés qu’à l’aide
de points de repère, de véritables instruments, à la suite d’observations
longues, patiemment accumulées. La réputation astronomique des
Assyro-Babyloniens fait considérer leur calendrier comme le type parfait d’un
système de division du temps fondé sur le cours des astres. Or, on a, récemment
mis en doute que leur année de 365 jours ait été, dès l’origine, une année
solaire pure, à base expérimentale [47]. Parallèle à cette année de 365 jours, on leur connaît une année
civile de 360 jours, dont l’élément primordial est apparemment une période de
60 jours, correspondant à la base, sexagésimale de leur numération et de leur
système métrique [48]. Le cycle annuel, formé par la multiplication de cette base
numérique, a été accordé, approximativement avec l’année solaire réelle. C’est
ainsi que les cycles mexicains, fondés sur les bases numériques 13 et 20, ont
été accordés à peu près avec la période vénusienne et que des accords conventionnels
s’établissent ailleurs entre le mois lunaire de 29 jours et le mois schématique
de 30 jours [49]. L’expérience, d’où sont nées les divisions du temps fondées sur l’astronomie,
est facilitée par l’existence de comptes conventionnels préalables, qui ont permis
d’apprécier la longueur, des révolutions astrales ; elle se présente, en
quelque sorte, comme la vérification d’une prévision.
Pour réduire la part de l’arbitraire, on se retranchera
sans doute derrière une théorie de l’origine expérimentale des nombres rituels.
On dira, par exemple, que les nombres 7 et 9 sont obtenus par la division,
respectivement en quatre et en trois parties, l’un de la révolution synodique,
l’autre de la révolution sidérale de la lune [50].
Mais voilà beau temps que les américanistes nous ont
appris que ces nombres pouvaient être obtenus autrement, c’est-à-dire par l’addition
des points cardinaux de l’espace [51], que ces sommes de points cardinaux étaient figurées par divers
symboles, qui servaient à représenter dans le rituel l’espace total, que le
svastika était l’un de ces symboles, correspondant au chiffre 9. Rien n’empêche
d’admettre que, dans l’Asie occidentale et en Europe, ces mêmes nombres aient
été composés de la même façon ; d’ailleurs, là encore, on retrouve le svastika
mystique et, justement, sur certains points de l’aire où le svastika est
répandu le nombre 9 est également usité comme nombre rituel. L’étude de la
numération des primitifs conduit dès maintenant à rejeter en doute l’idée que
cette sorte de nombres et, en général, tous ceux qui servent de bases aux
systèmes de numération, tous ceux, en somme, qui sont l’objet d’une considération
particulière soient des comptes fortuits d’objets totalisés [52] et à penser, au contraire, que ce sont des synthèses subjectives,
opérées par des sociétés entières, synthèses qui, chacune pour soi, sont
capables de représenter un ensemble quelconque et même l’univers, sans que cet
ensemble se décompose naturellement en autant de parties que le nombre
considéré embrasse d’unités inférieures. Une pareille théorie suppose que les
nombres ont, à l’origine, précisément la même valeur qu’ils ont, à notre
connaissance, dans la mystique arithmétique tardive. S’il en est ainsi, on
admettra sans peine que les nombres, qui président à la division du temps, sont
essentiellement conventionnels.
Bref, la division du temps comporterait un maximum de
convention et un minimum d’expérience. L’expérience précise viendrait à son
heure lui donner un supplément d’autorité. Mais le souci d’exactitude expérimentale,
qui s’applique quelquefois au calendrier, n’est jamais durable. De même que, en
astrologie [53], les observations effectives font place à des schèmes d’observations
simplifiées, appliqués mécaniquement, de même, en matière de temps, la
nécessité de vérifier la coïncidence des périodes calendaires avec les
périodes astrales cesse progressivement d’être sentie. Les termes de l’année
officielle s’écartent insensiblement des termes de l’année réelle. Ainsi, la
semaine lunaire des Chaldéens est devenue la semaine courante des Hébreux.
Nous ne pouvons pas assister aux conventions primitives
qui ont institué les termes fondamentaux des calendriers. Mais nous pouvons
nous en approcher, en constatant comment l’autorité sociale intervient dans
leur fonctionnement. Les incertitudes sur le commencement réel de la lunaison
sont tranchées, en Mésopotamie, par les astrologues royaux préposés à l’enregistrement
des présages [54], en Judée, par l’autorité sacerdotale et le concours du
peuple [55], à Rome, par les pontifes [56]. Ce que nous savons des débats qui s’élevèrent dans les sociétés
qui ont hésité entre plusieurs repères du temps [57], nous apprend que l’expérience,
dont ils étaient l’objet, ne les imposait pas nécessairement comme régulateurs
des durées. Enfin, nous avons une juste idée de l’autorité donnée à ces index
par les conventions qui les instituaient, toutes les fois que nous voyons les
vieux calendriers, tombés en désuétude, se survivre longuement à eux-mêmes dans
la religion et dans la magie.
Il y a d’autres jours qualifiés que ceux qui sont des
termes de la division du temps. Une bonne partie semblent devoir leurs qualités
à des événements, qui sont censés s’être une fois passés à pareille date.
Ainsi, dans le calendrier romain, l’anniversaire. de la défaite de l’Allia est
un jour néfaste. Dans le christianisme, en tant que les qualités des jours
dépendent des saints qui y président, elles paraissent résulter également d’événements
historiques commémorés, mort ou déposition du saint, fondation de son sanctuaire.
De même le vendredi, étant le jour de la crucifixion, tient du fait qui s’y
commémore une partie de ses qualités. L’association entre les dates et leurs
qualités est donc, au moins pour l’opinion commune, fondée dans ces divers cas
sur des expériences générales, qui, apparemment, ne différent en rien des
expériences d’individus. Mais il y a toujours lieu de se demander si une fête
de commémoration historique n’est pas une vieille fête rajeunie, telle la
Saint-Martin du 11 novembre, ou si la qualification du jour considéré ne tient
pas à de tout autres associations. Le vendredi, par exemple, est resté le jour
de Vénus planète. De ce côté encore, on retombe sur des conventions. Ainsi,
nombreuses sont les dates d’observances dont l’institution a été expliquée par
des événements de l’histoire, mais il en est très peu qui n’aient pas d’autres
raisons d’être. En règle générale, ce ne sont pas les faits qui fixent les
dates. Celles-ci sont les temps marqués d’un rythme, qui coupe en durées finies
la durée vague. Un rythme, de même nature, détermine la répétition à l’infini
des dates établies, quelles qu’elles soient. La représentation du temps est
essentiellement rythmique.
Mais n’a-t-on pas déjà montré que, dans le travail,
dans la poésie et le chant, le rythme était le signe de l’activité collective,
d’autant plus fortement marqué que la collaboration sociale était plus étendue
et plus intense [58] ? Si cela est vrai, il nous est permis de supposer que le
rythme du temps n’a pas nécessairement pour modèles les périodicités naturelles
constatées par l’expérience, mais que les sociétés avaient en elles-mêmes le
besoin et le moyen de l’instituer.
Les qualités du temps. – Elles sont définies par des associations
sympathiques. – Ces associations sont dominées par la notion de mana ou de sacré. – Les qualités du temps et de ses parties se ramènent en
dernière analyse au mana ou au sacré. – Représentation religieuse du
temps. – Les dates qualifiées sont des
fêtes
Si le choix qui détermine les jours qualifiés est
arbitraire, leur qualification particulière ne l’est pas moins. Leurs
qualités, définies comme elles le sont, par l’association sympathique des
dates et de leurs effets, positifs ou négatifs, sont conventionnelles au même
titre que toutes les autres espèces d’associations sympathiques [59]. Entre la multitude des associations possibles, c’est l’arbitraire
qui décide, et cet arbitraire n’est pas celui d’un individu qui choisit pour
lui-même, mais de sociétés entières.
Il y a plus. S’il s’agit bien ici d’associations
sympathiques entre des faits considérés comme nécessairement concomitants, il
doit entrer dans ces associations autre chose que les images associées. Il faut
s’attendre à y voir intervenir, a quelque titre, l’idée de pouvoir magique, de mana ou de sacré, qui fonde la croyance
dont sont l’objet, en magie et en religion, les autres associations de la même
espèce. Il faut que les associations qui définissent les qualités des temps,
aient un caractère sacré, ainsi que les termes qui les composent, autrement dit
que les dates ou leurs signes aient un pouvoir magico-religieux et que les
choses signifiées, événements on actes, participent à la nature de ce pouvoir.
Cette chose vague, mais très réelle, qui n’est, comme nous l’avons dit
ailleurs, ni substance, ni qualité, ni acte, mais à la fois tout cela [60], doit apparaître ici, au moins par éclair, sous l’une ou sous l’autre
des formes dont elle est susceptible. C’est ce que nous allons vérifier sommairement.
Or cette notion de sacré, nous l’avons déjà à moitié démontré, ne peut pas se
former dans l’esprit de l’individu, en tant que tel ; elle résulte d’expériences
subjectives de la collectivité.
On constate d’abord que, si la qualification d’une date
quelconque paraît définie par un nombre limité d’associations sympathiques,
impératives ou persuasives, cette limitation n’est qu’apparente. Il y a bien
pour une date, donnée, dans une aire donnée, un noyau fixe de prescriptions et
d’attentes; mais on voit s’en allonger la liste à mesure que s’allonge celle
des documents [61]. En réalité, les dates attirent à elles les actes et les images, en
raison de la considération dont elles sont l’objet. Elles sont investies d’une
sorte de qualification générale qui s’exprime avec des déterminations
particulières. Celles-ci, d’ailleurs, se confondent souvent et s’effacent
parfois totalement dans la généralité de la qualification commune.
Sans affaiblir ce que nous avons dit de l’association
nécessaire entre les faits et les temps, nous devons reconnaître que les jours
qualifiés sont échangeables, et que les rites passent de l’un à l’autre. dans l’histoire
des fêtes populaires en Europe, on assiste à d’interminables échanges entre la
Saint-Martin, la Saint-Michel, la Saint-Nicolas, Noël, l’Épiphanie, la
Saint-Antoine, etc. Les qualités différentes des jours qualifiés sont, somme
toute, les degrés et les modes d’une même qualité. Cette qualité est d’ailleurs
ambiguë et produit les effets contradictoires dont on a observé depuis quelques
années que les choses sacrées sont capables. Nous sommes déjà arrivés ailleurs
à une conclusion semblable dans l’étude des propriétés magiques. Ainsi,
derrière les qualités distinctives des parties du temps, nous trouvons une
qualité commune, celle de sacré, à laquelle elles se réduisent exactement, dès
qu’on fait abstraction des associations spéciales, qui s’attachent aux dates
et aux périodes, ou dès qu’on les multiplie à l’infini. Mais gardons-nous de
penser qu’affirmer ce trait commun revienne à nier leur hétérogénéité foncière ;
car nous savons que cette qualité générique est susceptible de degrés et de
modes qui sont un principe suffisant de différenciation ; nous savons,» en
outre, que les choses sacrées ont, par définition même, une raison de se
séparer de se singulariser aussi, puisqu’elles ne demeurent telles qu’en vertu
de l’effort constant au prix duquel on les distingue du profane, d’abord, et,
ensuite, les unes des autres.
Si nous considérons maintenant les prescriptions
impératives dont les dates sont l’objet, nous constatons d’autres indications
du caractère sacré qui s’y attache. Les rites d’entrée et de sortie, dont nous
avons parlé plus haut, en sont une : les durées qu’ils encadrent sont
comparables, à cet égard, aux cérémonies sacrées.
Le propre des choses sacrées est d’être entourées d’interdictions.
Or, outre les interdictions spéciales attachées à certaines dates qualifiées,
il y a des interdictions générales d’activité qui pèsent périodiquement sur le
temps. Le sabbat [62] en fournit un exemple typique. On connaît la période annuelle d’impuissance
qui immobilisait les guerriers de l’Ulster [63]. Concentrées sur quelques points du calendrier ces interdictions,
en vertu du fait, déjà connu, que le sacré est éminemment déplaçable, d’autre
part en raison des rapports étroits qui unissent les dates en question avec les
durées qui les suivent, peuvent être considérées comme rachetant ces mêmes
durées d’un interdit qui les frapperait également[64] ; d’où il suit que celles-ci nous paraissent à leur tour
investies d’un des caractères essentiels du sacré. En poursuivant ce
raisonnement, on arriverait à la notion d’un temps essentiellement religieux,
dangereux et grave, qui resterait impropre à l’action, si l’interdit, qui
affecte sa totalité, ne pouvait être levé momentanément et distribué
intégralement sur quelques-unes de ses parties. Cette notion serait la
représentation presque concrète d’une durée pure, existant en soi et tout à
fait objective, au moins en ce qui concerne les actes humains, puisque le
rythme de son écoulement ne serait pas marqué par leur succession, d’ailleurs
non moins inerte, immobile et endormie que l’homme dont elle emprisonnerait l’engourdissement
craintif : véritable éternité où, seule, la nécessité d’agir pour vivre engendrerait
le temps, en y découpant des éternités successives, images rétrécies, mais
substituts parfaits de la plus grande éternité.
Somme toute, les jours qualifiés sont des fêtes, et c’est
peut-être parce qu’il n’y a pas de jour qui ne soit qualifié à quelque titre
que, en latin, feria a fini par
désigner chacun des jours de la semaine. En tout cas, les dates critiques du
calendrier ont la même nature qualitative que les fêtes proprement dites. On
constate ou bien qu’elles sont choisies pour la célébration des rites, ou bien
qu’elles sont sanctifiées par des rites. Leur caractère religieux se manifeste
de la même façon, que celui des fêtes : par des rites positifs, des
interdictions [65], la présence du surnaturel [66] en un mot par tout ce qui constitue l’anormal [67], par tout ce qui peut les distinguer de la masse des jours qui
coulent sans bruit. Inversement les fêtes proprement dites ont été ou tendent à
être des pivots du calendrier. Ce balancement, cet échange de caractères et de
fonctions entre les dates calendaires et les fêtes est tout particulièrement
facile à observer dans les époques d’incertitude, telles que les premiers
siècles du moyen âge, où s’établissait
l’équilibre des institutions romaines, chrétiennes, germaniques et celtiques,
dans l’Europe du Nord et de l’Ouest. On voit, par exemple le 1er
janvier, fête des Calendes, prendre décidément les traits d’une fête du type de
la Saint-Jean [68], et, par contre, des fêtes sans fonction calendaire à l’origine,
Pâques et Noël, se substituer progressivement, comme termes de la division du
temps, aux vieilles fêtes saisonnières telles que la Saint-Martin.
Ainsi, les parties du temps où se passent les choses
religieuses sont sacrées comme ces choses elles-mêmes. Cette convention
essentielle préside à la formation des conventions énumérées d’abord, qui ont
précisément pour objet de définir les conditions dans lesquelles se réalise
cette qualité de sacré qui s’attache au temps avec les diverses modifications
dont elle est susceptible. En résumé, le tableau qualitatif du temps est formé
par un grand nombre de conventions qui établissent entre les phénomènes qui s’y
passent et le temps lui-même, par abstraction, des relations de cause à effet,
lesquelles, en dernière analyse, sont des relations d’identité.
Association intime de la notion religieuse
du temps et de celle de sacré. – Cette association explique les
particularités que présente la première
Mais, en retrouvant la notion de sacré à la racine des
représentations qualitatives enregistrées par ce tableau, nous sommes arrivés à
une forte présomption que les conditions émotionnelles et logiques, dans
lesquelles a pu se développer, en magie et en religion, la notion de temps,
sont fort différentes de celles où elle semble devoir apparaître normalement
chez des individus. À supposer qu’elle ait surgi toute formée dans chaque homme
en particulier, ces conditions sont telles, qu’elle doit en avoir subi des
modifications remarquables. Il faut tenir compte, en effet, de ces états d’agitation
collective où nous supposions naguère que s’était formée la notion du sacré.
Les modifications profondes, que nos propres émotions apportent à notre
conscience de la durée, nous aident à nous figurer comment les émotions
multipliées d’une société ont pu affecter celle de tous ses membres de la même
façon, mais avec plus d’intensité et pour plus longtemps. Ces émotions
primitives, exceptionnelles et momentanées, ont laissé derrière elles un résidu
de croyance, qui renouvelle ou entretient certains de leurs effets, quand la
cause en est atténuée. Elles se perpétuent et continuent à conditionner la
pensée par la force logique des catégories et des concepts.
À ces divers titres, la notion de sacré entre comme un
élément perturbateur dans les jugements où il s’agit de temps. Par là même qu’elle
introduit parmi leurs termes l’idée d’un pouvoir magique qui n’est limité que
par lui-même, elle justifie a priori
toutes les anomalie possibles. D’autre part, les propriétés qu’on lui connaît
permettent d’expliquer analytiquement celles que nous avons dit, au
commencement de ce travail, être les propriétés de la notion magico-religieuse
du temps. Nous avons vu déjà qu’elles cessaient d’être contradictoires si l’on
substituait à la notion d’un temps quantitatif celle d’un temps qualitatif, à
plus forte raison si la qualité, dont ce temps est essentiellement susceptible,
est d’être sacré. S’agit-il de l’homogénéité qualitative des parties du temps,
il n’est pas seulement absurde de supposer que ces parties, étant distinctes,
puissent n’être pas, chacune pour soi, qualitativement homogènes, mais encore
il est criminel, sacrilège de troubler cette homogénéité sacrée ; c’est le même
crime que d’enfreindre un tabou. Les parties symétriques ne sont plus seulement
équivalentes en tant que qualitativement semblables, mais, en raison de la
facilité avec laquelle le sacré se substantialise en s’objectivant, elles sont
réellement et substantiellement identiques. Il est naturel qu’une partie d’une
durée puisse être prise pour le tout, non plus seulement parce que la qualité,
dont le tout est investi, se retrouve tout entière dans les parties, mais parce
que, substantiellement, la qualité de cette durée peut en être détachée et fixée
sur sa partie. Enfin, les dates critiques interrompent les durées, d’une part,
parce que, étant sacrées, elles sont réellement ce qu’elles sont verbalement, c’est-à-dire
séparatrices, et, d’autre part, pour la, même raison, elles comportent les
inhibitions qu’entraînent avec elles toutes les choses sacrées et dont les
interdictions du sabbat sont le type.
La réponse à la question posée en tête de ce travail
est que la magie et la religion ont concilié la contradiction flagrante qu’il y
a entre la notion de sacré et la notion de temps, aux exigences desquelles
elles étaient également soumises, en attribuant conventionnellement au temps et
à ses parties, moments ou périodes, la
qualité d’être sacrées. Elles ont mis le sacré dans le temps et constitué ainsi
la chaîne ininterrompue d’éternités, le long de laquelle leurs rites
pouvaient se disperser et se reproduire en restant immanquablement identiques.
La notion abstraite du temps et ses
relations originelles avec la notion de sacré. – La première est-elle 1’œuvre du même travail
collectif que le monde ? – Les formes spéciales de la représentation du temps
sont sociales. – Fonction et origine religieuse du calendrier
Les expressions dont nous venons de nous servir ne
peuvent être satisfaisantes qu’à la condition de supposer que, en dehors de ce
travail collectif qui donne au temps de la magie et de la religion sa valeur
qualitative, les individus sont pourvus d’une notion de temps qu’ils ont
abstraite chacun pour soi de leur conscience. Mais, parmi les expériences
subjectives qui les ont instruits, il faut nécessairement compter celles qui se
sont produites au milieu de la collectivité exaltée. On sait déjà avec quelle
objectivité se dégage, par abstraction, de ces états. d’exaltation, sous des
formes semi-concrètes ou tout à fait concrètes et personnelles, la
représentation subjective, la conscience du pouvoir magique. Tout, ce qui, dans
les mêmes conditions, est l’objet de la même attention intense se prête aux
mêmes phénomènes d’abstraction et de généralisation ; on les voit se produire
dans la série des associations sympathiques, mais à des degrés divers d’élaboration [69]. Pour ce qui est du temps, de même que, de la conscience d’efficacités
particulières, a surgi la notion générale du mana, qui est l’ordre des efficacités, de même, de la perception
aiguë des concomitances changeantes, s’est dégagée peut-être la notion
générale du temps, qui est l’ordre des concomitances possibles. Les faits de
conscience dont il s’agit sont objectivés, parce qu’ils se passent à la fois
dans la conscience de plusieurs, qui ont conscience du même coup de leur accord
et de sa fatalité. L’objectivité de ces faits résulte de leur subjectivité
partagée et subie. D’autre part, leur abstraction est parallèle à leur objectivation.
Enfin, la première notion, celle de mana
ou de sacré, prête de sa réalité à la deuxième, celle de temps. Mais, étant
donné que les conditions du milieu mystique sont telles que toute conception y
devient efficacité et réalité, toutes les fois que, dans ce milieu, il y a lieu
de concevoir la notion abstraite et générale de temps, ce temps se trouve réalisé absolument ; d’où il suit, une
fois de plus, que les choses religieuses, qui se passent dans le temps, sont
légitimement et logiquement considérées comme se passant dans l’éternité.
Que la même abstraction ait pu se former dans d’autres
conditions, nous n’en savons rien et nous nous gardons bien de le nier. Nous
prétendons seulement montrer que celles-ci sont particulièrement favorables à
sa production, en raison de l’objectivité qu’elles sont capables de lui donner,
tout d’abord, et, en outre, parce qu’elles se prêtent à la formation des
conventions qui créent les mots, sans lesquels il n’y a pas d’abstraction qui
tienne. L’abstraction qui en sortirait, répondrait bien aux caractères de la
notion de temps, puisque sa formation serait parallèle à celle d’un système de
points successifs, définis par les concomitances décrites et dont les positions
relatives, réglées par la loi du rythme, puisqu’il s’agit de représentations
sociales, constitueraient un tableau du temps.
À supposer que les conditions énoncées ci-dessus, pouvoir d’abstraire
et de généraliser, constatation en commun de coïncidences, travail collectif
des consciences, notions de sacré et de pouvoir magique, aient pu suffire à
donner à la magie et à la religion la notion de temps dont elles font état,
faut-il en inférer que les mêmes phénomènes d’activité collective soient nécessaires
à la formation de la notion de temps, qui fonctionne dans nos consciences, en
dehors de toute préoccupation de magie ou de religion ?
Nous sommes bien loin de le prétendre, et nous n’avons aucun intérêt
à spéculer là-dessus. En tout cas, si l’on considère non plus ce qu’il y a de
plus simple et de plus abstrait dans notre notion de temps, mais la complexité
réelle de celles de nos représentations où elle est impliquée telle qu’elle
résulte du passé et de la tradition, il est incontestable que les formes
spéciales de cette notion qui viennent d’être étudiées ont largement contribué
à l’élaboration des autres.
D’ailleurs, notre représentation réelle du temps, qui,
comme nous le disions, suppose une sorte de tableau fixe dont les points
semblent avoir la propriété de monter, les uns après les autres dans le présent
de notre conscience, se détache mal ou, du moins ne se détache que par une
abstraction, toujours imparfaite, de notre système de mesure du temps et tout
spécialement du calendrier. Or, en fait, la véritable fonction originelle des
calendriers est religieuse ou magico-religieuse. Ils servaient essentiellement
à prévoir le retour des faits dont on croyait qu’ils entraînent nécessairement
avec eux la célébration de tels rites ou la production de tel phénomène auquel
la religion devait avoir égard. S’il est difficile de prouver qu’ils ont été
réellement institués pour assurer l’observation régulière des concomitances
fatales d’images et de rites, on peut observer toutefois que les rectifications
auxquelles ils ont donné lieu, même assez récemment, ont eu pour objet de
retrouver la régularité de ces concomitances, ce qui constitue au moins une
forte présomption en ce qui concerne la nature de leur institution première. Le
but des réformes julienne et grégorienne du calendrier a été essentiellement
religieux. C’est également pour des raisons religieuses, que ces réformes ne
sont pas acceptées sans opposition et qu’il subsiste toujours quelque chose des
calendriers abolis. L’autorité de la convention qui crée le calendrier lui
donne une réalité égale à celle des phénomènes sur lesquels on prétend le
régler. Bref, le calendrier est l’ordre de la périodicité des rites. Son
histoire nous apprend, d’autre part, qu’il est le code des qualités du temps. Les
premiers calendriers sont des almanachs, qui enregistrent, jour par jour, les
pronostics et les prescriptions magico-religieuses[70].
Ainsi l’institution des
calendriers n’a pas pour objet unique, ni sans doute pour objet premier
de mesurer l’écoulement du temps considéré comme quantité. Elle procède non pas
de l’idée d’un temps purement quantitatif, mais de l’idée du temps qualitatif,
composé de parties discontinues, hétérogènes et tournant sans cesse sur
lui-même, dont nous avons exposé plus haut les caractères. À dire le vrai, la
fructification continue de cette deuxième notion était de nature, en fin de
compte, à produire la première. La multiplication des points qualifiés, la
différenciation progressive des parties énumérables, la confusion même des
qualités, que nous avons déjà
décrite, devait conduire à l’analyse des synthèses premières. En somme, le
travail d’abstraction, d’où est sortie la notion du temps objectif,
quantitatif et abstrait, est peut-être la suite de celui qui a détaché des
choses le temps qualitatif et à demi concret.
[1] Année sociologique, t. V. 1900-1901, p. 248.
[2] Henri Hubert et Marcel
Mauss, Esquisse d’une théorie générale de
la magie, dans Année sociologique, t. VII, 1902-1903, p. 108 sq.
[3] Henri Hubert et Marcel Mauss, Essai sur la. nature et la fonction
sociale du sacrifice, dans Année
sociologique, L. Il. p. 29 sq. : id., o.
l., ibid., t, VII, p. 1 sq. : M. Mauss, L’origine des pouvoirs magiques dans les sociétés australiennes, 1904, passim.
[4] Henri Hubert et Marcel Mauss,
Le Sacrifice, l. l., p. 56 ; id., La Magie, l. l., p. 47.
[5] H.
Gunkel, Zum religionsgeschichtlichen Verständniss des Neuen Testaments, p. 22.
[6] Warde
Fowler, Roman Festivals in the Time of
the Republic, p. 176.
[7] Pitré, Feste patronali in Sicilia, p. 49, passim Cf. Année sociologique, t. IV. p. 246 sq. Cf. R. Wünsch, Das
Frühlingsfest der Insel Malta, p. 29.
(Remplacement de la fête de saint Jean par la fête de saint Grégoire.)
[10] E. H. Meyor, Mythologie der Germanen. p. 386.
[11] G.
Bilfinger, Untersuchungen über die
Zeitrechnunq der alten Germanen, Das altnordische Jahr. p. 1 sq.
[12] Limitation périodique du
séjour chez les esprits : Mannhardt, Germanische
Mythen, p. 172, 177; Sébillot, Le
Folklore de France. t. 1, p. 305, 463, etc.
[13] G. F. Abbott, Macedonian Folklore, p. 277.
[14] W.
Roscher, Die enneadischen und
hebdomadischen Fristen und Wochen der ättesten Griechen. Abh. d. ph. k. Kl. d.
kql. sächs. Gesellschaft der Wissenschaften, t, XXI : J.H. Graf. Über
Zahlenaberglauben, p. 16 sq.
[15] Plutarque, Agis II.
[16] Roscher, o. l.. p. 22. Cf. O. Muller, Die Dorier, p. 100 – Autres exemples de la même périodicité
imposée aux magistratures : A. B. Cook,
The European Sky-God. Folk-lore. 1904, p. 394 sq.
[17] Roscher, o. l. passim.
[18] Warde Fowler, o. l. p. 33 sq. (mensis Martius) ; p. 277 sq.
(mensis Jannarius). – Caractère auspicatoire des rites du début de l’année :
Macrobe, I, 12, 6 ; Ovide, Fasti,
III, 135.
[19] J.
G. Frazer, The Golden Bough, 2e
édit., t. II, p. 70 sq., p. 95 sq.
[20] Par exemple, le rythme
septénaire de l’éducation en Grèce : Platon Axiochos,
366 D; Alcib. 1,
121 E; Quintil, 1, 15.
[22] Hérodote, VI, 106.
[23] Zénobios, III, 79: [mots en
grec dans le texte] ; et. Hesych., Suidas. -Cf. Xenoph ;Anab., I, 7, 18 : le devin
Silanos assure au jeune Cyrus 6 [mots en grec dans le texte]
[24] Théoph. p. 6, 33 : [mots en
grec dans le texte] (suivant des rythmes locaux de division du temps) , id., 6, 8. [mots en grec dans le texte].
[26] A.
Wuttke, l. l. , Mannhardt, Germanische Mythen, p. 519 (L’heure du vœu revenant tous les sept jours, Islinsk aefintyri, p. 44).
[27] A.
Wuttke, 1. l. ; Grimm, Deutsche
Mythologie, 4e
édit., t. III, p. 441, n. 197 ; cf.
id., t. II, p. 563 sq.
[28] A. Wuttke, 1. 1. : Sidney
Hartland, The Leqend of Perseus, t. II, p. 119. 125,
etc. : Pline. N. II. XXVIII, 260 ; cf. Martial, V, 29,
1 ; Hist. Aug., Alex. Sever. 38.
[29] A. Wuttke, 1. 1. ; Grimm. o. l., t. III, p. 446, n. 374; cf. Revue des traditions popu1aires,
1904, p. 22; Pineau, Revue des
traditions populaires, 1904 , p.
294. De Nore, Traditions des provinces de France, p. 263.
[30] Mal : H. Paul.. Deutsches Wörterbuch, p. 292 ; H. Kluge, Etymologisches
Wörterbuch der deutschen Sprache, p. 257. – Dheihs, thing tempus : cf. Fr. Kluge, English etymology, p. 210. – Stunde: Grimm, Deutsche Mythologi,. t.
II, p. 660.
[31] H. Kellner, Heortologie, p. 26 sq.
[32] H. Kellner, o.l., p. 2 sq.
[33] A.
Weber,
Omnia et Partenia, p. 388 ;
Indische Studien, XVII. p. 224;
Sitzungsberichte d. kgl. Ak. d. Wiss. zu Berlin, ph. h. Kl., 1898, XXXVII,
2 sq.
Nous n’admettons pas l’équivalence proposée par Weber entre ces douze premiers
jours de tous les mois et le Dodekameron de
l’année chrétienne.
[34] W. H. Roscher, o. l., passim.
[35] Mannhardt, Germanische Mythen, p. 446 (7 jours = 7 ans) ; Sébillot, Le Folklore de France, t. 1, pp. 257,
465.
[37] Cf.
Macrobe, Saturn. I, XV : Aptitudes des Calendes, Ides et Nones ; Plutarque, Quaest, Rom. 100, fête de
Diane Aventine (les femmes se lavent la tête ) : De Nore, o. l.. p. 278 (jours à
choisir et à éviter pour les saignées).
[38] Warde Fowler, observations
générales sur chacun des mois.
[39] Cf. pour le symbolisme
numérique, Lydus, De mensibus, 1, 15;
II 6.
[40] Talmud Babli~ Sanhedr 41 b, 42 a
(hésitations relatives à la longueur réelle de la période pendant laquelle
doit se prononcer la bénédiction de la nouvelle lune): cité par
Fr. Bohn, Der Sabbat im Alten Testament, p. 35. Les deux jours de Rosch haschana ayant donné lieu aux mêmes hésitations sont
considérés comme étant « d’une seule sainteté», Buxtorf, Synagoga jùdaïça, p. 494.
[41] Lydus. De mensibus, III, 5. 9, 10. Cf. la tentative faite pour fixer la
date de Pâques à un jour déterminé du calendrier julien le 25 ou le 17 mars :
Kellner, o. l., p. 39. Cf.
Revue des traditions populaires, 1904,
p. 113, 218, 244, 248,
301, 432.
[42] Grimm, Deutsche Mythologie, t. II, p.
635 sq.
[43] Cf. Athénée, VIII, 360 b.c.
[44] Grimm.
o. 1., p. 605 sq., 636.
[45] Roselier,
o. 1., p. 1 sq.
[46] Roscher,
o. 1. p. 4s. Talmud Babli, Pesachim, 111a;
ibid., Schabou’ol, 9 a.
[47] G.
Kewitsch, Zweifel an der astronomischen
und geometrischen Grundlaqe des 60-Systeins, Zeitschrift für Assyriologie, 1904,
pp. 73-95.
[48] Cf. H.
Winckler, Die Weltanschauung des
alten Orients, p. 20. Cf. Ed. Meyer, AEgyptische Chronologie, 1904.
[50] Boscher, o. 1.
[51] Cf. : Nord, Sud, Est,
Ouest, Zénith, Nadir, Centre = 7.
[52] Mc
Gee, Primitive Numbers, 19th
Annual Report of the Bureau of Ethnology,
II, p. 821-852.
[53] Bouché-Leclercq, L’Astrologie grecque, p. 517 sq.
[54] Thompson,
The reports of the magicians and
astronomers of Nineveh and Babylon, Introduction, p. XVIII sq.
[55] Schürer,
Gesch. d. jüd. Volkes, I, 2e édit., 616 sq.
[57] Concurrence entre le
système binaire et le système solaire, Ben Sira,
43, 1-10; Livre des Jubilés, c. VI, fin;
Talmud Babli, Soukka, 29 a, b.
[58] K. Bücher, Arbeit und Rythmus ; Fr. B. Gummere, The beginnings of poetry ; cf. M. Mauss,
dans Année sociologique, t. VI, p. 560 (compte rendu du précédent ouvrage).
[59] Henri Hubert et Marcel
Mauss, La Magie, 1. l., p. 65 sq.
[60] Henri Hubert et Marcel
Mauss, ibid., p. 109.
[61] Cf. Pineau, Revue des traditions populaires, p. 430 sq. (Touraine)
[62] Le sabbat est proprement,
comme l’étymologie du mot l’indique, une fin de période, et Fr. Bohn, o. l., p. 2.
[63] E.
Hull, Old 1rish Tabus, or Geasa, Folk-Lore, 1908. p. 58. Cf. G. Pinza, La conservazione delle teste umanee le idee e costumi coi quali si
connette, p. 78 ; cf. Archiv für
Religionswissenschaft. 1904, VII, p. 459.
[64] Cf. Année sociologique, t. II, p, 266. Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 2e
édit., p. 284.
[65] Wuttke, o.1. 75 : Rawlinson, Western Asias Inscriptions, V, 48, 49.
[66] Pouvoirs spéciaux de certains êtres aux dates critiques : Wultke, 1. 1.
; Eckhart. Südhannoversches Sagenbuch, p. 28 (pouvoir des
enfants nés le dimanche). – Circulation
des esprits : Wuttke, 1. 1. ; Peal, Zeitschrift für Ethnologie, 1899,
p. 355 (retour des âmes, chez les Nägàs à la nouvelle lune de décembre) Talmud Babli, Baba Batra 74 a (retour des âmes tous les trente
jours).
[67] Interruption de l’ordre
social aux fins de périodes ; cf. Gessert, GIobus,
1898, 11, p.250.
[68] A.
Tille Yale and Christmas, p. 81 sq. et
passim.
[69] Henri Hubert et Marcel
Mauss, La Magie, 1. 1., p. 61, sq.
[70] Cf. Chabas, Le calendrier des jours fastes et néfastes
de l’année égyptienne.
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